Conte de Noël
Nous vous proposons aujourd'hui un conte de Noël écrit en vers par Philoména Georgeault-Jouan, qui enseignait à Locmiquélic à la fin du XIXème siècle. A l'époque, le village était peuplé essentiellement de pêcheurs.
Elle était confrontée à la misère de ses petits élèves qui est souvent évoquée dans les délibérations du conseil municipal.
Elle avait dû aussi, trop souvent, accueillir la détresse des enfants dont le père était mort en mer.
C'est cette dure réalité qu'elle évoque dans cet émouvant poème plein d'amour et d'espoir (médaille de bronze du "Luth Français") :

Conte de Noël
Il s’appelait Noël, le cher petit garçon,
Parce qu’il était né le vingt-quatre décembre,
Et que ses yeux d’azur et ses beaux cheveux d’ambre
Le faisaient ressembler à Jésus enfançon.
Le père était pêcheur. Un jour, date fatale,
La barque revint seule, à la dérive, au port :
Plus de doute permis, le marin était mort …
Emporté brusquement par un coup de rafale !
L’enfant ne sut jamais ce que versa de pleurs.
La mère qui pour lui savait chanter encore,
L’embrasser, lui sourire au réveil, dès l’aurore,
En couvrant son berceau de jouets et de fleurs.
La fête de Noël survint ; la pauvre femme
Jetait les yeux sur son dénûment absolu…
Comment se procurer un léger superflu
Lorsque la huche est vide et le foyer sans flamme ?
Pourtant l’enfant disait en langage naïf
« Maman, je vais dormir ; vois, dans la cheminée,
Mes deux petits sabots que, toute la journée,
J’ai ciré gentiment avec des feuilles d’if.
Demain ils seront plein de bonbons et d’oranges…
Et je t’en donnerai, ma mère et tu verras
Comme on fait dans le ciel de superbes nougats !
Mais, chut… fermons les yeux, j’entends chanter les anges …
La malheureuse veuve essaya de prier,
Elle invoqua le mort, lui conta ses souffrances,
S’oublia si longtemps en telles confidences
Qu’un bienfaisant sommeil lui fit tout oublier.
Quand elle ouvrit les yeux à la faible lumière
De l’aube, elle aperçut tout le foyer rempli
De mets et de bonbons ! À genoux, recueilli,
Le bon petit Noël souriait sur la pierre.
Ils ne surent jamais lequel combla leurs vœux,
De la Terre ou du Ciel. Quand les cloches sonnèrent
Le joyeux carillon… leurs deux voix résonnèrent
En un hymne d’amour pour les cœurs généreux.