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Publié par Marylis Costevec

 

On ne sait plus très bien pourquoi mais le 2 février, tout le monde ou presque fait sauter les crêpes !

Et cela depuis des temps immémoriaux ! Il paraît que cela apporte la prospérité au foyer.

Et comme cette année, c’est un dimanche, pas d’excuse : tout le monde va se  retrouver autour de la cuisinière avec une pièce de monnaie dans la main gauche. A défaut de prospérité à la clé, on se sera régalé et on aura bien rigolé.

Il y aura peut-être (qui sait ?) des nostalgiques qui les feront cuire dans la cheminée comme il y a bien longtemps.

Bien sûr, nous n’allons pas manquer cette occasion d’évoquer le temps passé et nous vous invitons à relire cet épisode de « Sans famille », ce roman écrit par Hector Malot (1830-1907),  paru en 1878, qui a ému des générations d’enfants :

 

« (…) Mère Barberin mit la poêle au feu, et ayant pris un morceau de beurre au bout de son couteau elle le fit glisser dans la poêle, où il fondit aussitôt.

– Ça sent bon, s’écria Mattia qui se tenait le nez au-dessus du feu sans peur de se brûler.

Le beurre commença à grésiller :

– Il chante, cria Mattia, oh ! il faut que je l’accompagne.

Pour Mattia tout devait se faire en musique ; il prit son violon et doucement en sourdine il se mit à plaquer des accords sur la chanson de la poêle, ce qui fit rire mère Barberin aux éclats.

Mais le moment était trop solennel pour s’abandonner à une gaieté intempestive, avec la cuiller à pot mère Barberin a plongé dans la terrine d’où elle retire la pâte qui coule en longs fils blancs ; elle verse la pâte dans la poêle, et le beurre qui se retire devant cette blanche inondation la frange d’un cercle roux.À mon tour, je me penche en avant : mère Barberin donne une tape sur la queue de la poêle, puis d’un coup de main elle fait sauter la crêpe au grand effroi de Mattia ; mais il n’y a rien à craindre ; après avoir été faire une courte promenade dans la cheminée, la crêpe retombe dans la poêle sens dessus dessous, montrant sa face rissolée.

 

BNF, gallica, floréal, 1922

 

Je n’ai que le temps de prendre une assiette et la crêpe glisse dedans.

Elle est pour Mattia qui se brûle les doigts, les lèvres, la langue et le gosier ; mais qu’importe, il ne pense pas à sa brûlure.

– Ah ! que c’est bon ! dit-il la bouche pleine.

C’est à mon tour de tendre mon assiette et de me brûler ; mais, pas plus que Mattia je ne pense à la brûlure.

La troisième crêpe est rissolée, et Mattia avance la main, mais Capi pousse un formidable jappement ; il réclame son tour, et, comme c’est justice, Mattia lui offre la crêpe, au grand scandale de mère Barberin, qui a pour les bêtes l'indifférence des gens de la campagne, et qui ne comprend pas qu'on donne à un chien « un manger de chrétien. » Pour la calmer, je lui explique que Capi est un savant, et que d'ailleurs il a gagné une part de la vache ; et puis, c’est notre camarade, il doit donc manger comme nous, avec nous, puisqu’elle a déclaré qu’elle ne toucherait pas aux crêpes avant que notre terrible faim ne soit calmée.

Il fallut longtemps avant que cette faim et surtout notre gourmandise fussent satisfaites ; cependant il arriva un moment où nous déclarâmes, d'un commun accord, que nous ne mangerions plus une seule crêpe avant que mère Barberin en eût mangé quelques-unes.

Et alors, ce fut à notre tour de vouloir faire les crêpes nous-mêmes, au mien d'abord, à celui de Mattia ensuite. Mettre le beurre, verser la pâte était assez facile, mais ce que nous n'avions pas, c’était le coup demain pour faire sauter la crêpe ; j'en mis une dans les cendres, et Mattia en reçut une autre toute brûlante sur la main.

(…)

Hector Malot

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97632083.texteImage

Un épisode qui a marqué la mémoire des plus gourmands. Et vous de quelle scène vous souvenez-vous ?

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