Publié le 13 Février 2018

Mardi- Gras 1918 :

on n'a pas le coeur à rire ...

Du fond de sa tranchée, un poilu se souvient des Mardi-Gras d'autrefois. Un article du "Nouvelliste du Morbihan" qui nous parle du morne quotidien de la guerre et nous raconte comment ce jour-là était fêté quand le  pays était en paix.

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Le 12 février 1918, c'était Mardi-Gras, un Mardi-Gras où personne n'avait le coeur à rire contrairement à 1914  où confettis et serpentins jonchaient les rues lorientaises. Ils étaient  lancés par les jeunes et les moins jeunes qui s'étaient déguisés et s'amusaient comme des fous en ce jour qui précède les 40 journées du carême, période où les catholiques étaient censés jeûner selon les préceptes de leur religion.

Nous avons retranscrit l'article paru dans le "nouvelliste" le 15 février 1918 :

 

"MARDI-GRAS

Dans la tranchée, la vie ce jour-ci est pareille à celle des autres jours : les guetteurs veillent aux petits postes ; les autres procèdent aux innombrables corvées ou travaux : creusement de nouvelles tranchées, construction de nouveaux abris contre les bombardements, pose de fils de fer barbelé, etc. ; quelques-uns, exténués, se reposent dans leur trou sur la terre dure recouverte parfois d’un peu de paille sale et humide …

Pourtant, c’est aujourd’hui Mardi-Gras de l’an 1918. Tout à l’heure je l’ignorais. Mon Dieu, oui, il est bien permis n’est-ce pas d’ignorer ici les jours de fête puisqu’ils coulent comme les autres vides et mornes, oubliés … Un camarade qui feuilletait par hasard un petit calendrier vient soudain de me le rappeler.

Alors, c’est Mardi-Gras !... Je regarde autour de moi. Est-ce bien vrai ? Les visages demeurent graves et tristes. Oh ! Oui, nous avons bien des masques, mais c’est contre les gaz boches, les gaz maudits et ils n’ont point l’élégance, la souplesse, le charme léger et troublant du petit « loup » noir ; ils puent l’acide, ils ne sentent point l’odeur enivrante de la poudre de riz parfumée et des essences de fleurs.

A côté de nous, il y a bien des boîtes renferment des « choses » qui se lancent, des grenades par exemple, (ce petit engin terrible, ô ironie, éveille le souvenir de cette vieille ville espagnole, sœur de Séville, où le Mardi- Gras est si en honneur) mais elles sont loin d’être aussi douces et caressantes à recevoir que les serpentins et confetti de naguère … Et il y a bien aussi des fusées éclairantes blanches, rouges et vertes … ah ! Quel beau feu d’artifice cela ferait ! Mais elles ne sortent qu’en cas d’attaque, alors, elles planent dans le ciel, sinistres, au-dessus des champs de bataille …

Arlequin et Colombine

Ah ! Ce dernier Mardi-Gras de 1914 ! Qui aurait deviné cette longue et horrible guerre si proche ? Dans le morne silence de mon gourbi, je le revois. Comme c’est vieux déjà ! On était jeunes alors ! Ces Pierrots, ces Dominos, ces Arlequins, ces Colombines allant et venant de la Place d’Armes à la place Alsace-Lorraine, chantant et gambadant comme des fous ; ces flots multicolores de confetti et serpentins ; ces cris, ces rires, cette foule compacte et bruyante … Les cafés étaient archicombles : les pâtisseries, fermées maintenant, ne pouvaient suffire en babas et en choux à la crème. Et le soir, à la clarté vacillante des lanternes vénitiennes des petites marchandes, la bataille acharnée (mais pas comme l’autre !) continuait entre jeunes Lorientais et jeunes Lorientaises … Oh ! je le sais bien, ça ne valait pas le carnaval de Paris ou de Venise. Tout de même, on s’amusait bien.

Août 1914 est venu là-dessus … Et les jeunes hommes sont partis ; Et la France a été envahie et meurtrie. Et jamais plus Mardi-Gras n’a souri ; jamais plus le fameux bonhomme de paille n’a été fêté et noyé en grande pompe …

(…)

Et je songe qu’à cette heure, comme aux tranchées, il y a beaucoup de Lorientais qui ignorent que c’est aujourd’hui le Mardi-Gras… Mais ils savent bien que c’est toujours la Guerre. Pour s’amuser en ce jour, pour chanter et se déguiser, non seulement il faudrait ne pas avoir beaucoup de cœur, mais même avoir laissé loin derrière soi la Pudeur …

Et puis la bataille de confetti est devenue inutile : l’autre suffit amplement ; hélas !

F. M. - Tranchées de … ce 12 février 1918 

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Rédigé par Marylis Costevec

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Publié le 9 Février 2018

Point de Lorient sur le dos d'une camisole

A Lorient et outre-rade, comme partout, des générations de petites filles ont appris les points de base de la broderie quand elles étaient à l’école primaire. Généralement, c’était le samedi après-midi qui était consacré à cet exercice. Elles savaient faire, plus ou moins bien, le point de tige, le point de chaînette, le point d’épine et même le point de Boulogne mais dans les cahiers que nous avons consultés, pas de point de Lorient !

Il existe pourtant bien mais vous ne le trouverez décrit que dans des ouvrages très pointus consacrés aux costumes bretons en général et à celui de Lorient en particulier !

Si vous avez encore le gilet de votre arrière grand-père ou la camisole de votre grand-mère, regardez bien : le point ou galon de Lorient servait à fixer les pièces de velours sur la pièce de toile, surtout dans les parties les plus visibles, le dos et le bas des manches, qui devaient être particulièrement soignées.

Si vous savez faire le point de chausson, vous saurez faire le galon de Lorient. Enfilez donc du cordonnet de soie noir et au travail ! Vous pouvez broder indifféremment de bas en haut ou de gauche à droite. Si vous avez les doigts musclés, un dé de compétition et de bons yeux, assemblez du velours noir sur du drap noir, le tout sur une toile de lin raide et bien serrée. N’oubliez pas que c’était un travail effectué par des tailleurs plutôt que des tailleuses. Les hommes ont donc le droit d’essayer aussi. Ils ne seront pas pénalisés par rapport aux jeunes femmes d’aujourd’hui. C’est aussi ça, l’égalité.

Vous voulez essayer ? Suivez le guide ! :

Le galon de Lorient

Votre travail n’est probablement pas très régulier ! Quand, comme nos ancêtres tailleurs et couturières, vous aurez travaillé quelques heures assis sur une botte de paille avec un oreiller sur les genoux, ce sera beaucoup mieux ! Tenez-nous au courant et postez-nous quelques photos !

Mariée en costume traditionnel de Lorient (1926)

Mariée en costume traditionnel de Lorient (1926)

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Rédigé par Marylis Costevec

Publié dans #patrimoine

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Publié le 8 Février 2018

Prostitution à Lorient et Brest en 1918

La plainte des Chinois

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Il paraît qu'elles pratiquent "le plus vieux métier du monde". Et bien évidemment, c'est dans les ports et les villes de garnison que ces dames s'installent en priorité.

Pendant la Grande Guerre, il y avaient plus de soldats que jamais à Lorient et à Brest. Et bien sûr beaucoup de "filles de joie" leur proposaient leur services.

 

dessin de Henri de Toulouse-Lautrec
Il fallut bien un événement exceptionnel tel la plainte des dockers chinois pour que "Le Nouvelliste du Morbihan" du 30 janvier 1918 évoque le sujet sous la rubrique "LORIENT sous les ARMES". Il nous donne ainsi une vision de l'ambiance de l'époque :

 

"LE PÉRIL … DE TOUJOURS

Pour une fois que notre excellent confrère, la Dépêche de Brest nous permet de piller dans ses œuvres et d’appliquer à notre ville le spirituel article que son chroniqueur des « Propos Maritimes » publie dans son numéro d’aujourd’hui :

… On apprend en effet que des travailleurs chinois employés au déchargement des navires au port de commerce de Brest ont adressé à Monsieur Georges Leygues* une requête tendant à ce que leur vertu soit protégée contre les entreprises du sexe. Des femmes ne cessent de les poursuivre de leurs assiduités, paraît-il, et ils en sont effarouchés !

(...)

Hélas ! Ce n’est pas qu’à Brest qu’existe ce fléau. À Lorient il bat son plein et si, chez nos voisins de « Pen er Bet », la tentation malsaine ne sévit que contre les « Fils du Ciel* », il bat son plein actuellement à l’égard des Américains, assaillis de nuit et de jour par des nuées de « quart de mondaines, habituées des cafés où l’on se rencontre, comme aussi de la « poste restante ».

Il y aurait peut-être moyen de mettre un frein à ces honteuses exploitations.

Ça, c’est l’affaire de, de … oui, de qui, en somme ?"

 

*En 1917 Georges Leygues (1857-1933) est ministre de la Marine


*Fils du Ciel : titre que se donnaient les Empereurs chinois. Ils se disent investis d’un mandat Céleste.

 

Plus d'infos sur la question :

Le racolage :

https://www.la-croix.com/Actualite/France/De-la-contravention-au-delit-histoire-de-la-lutte-contre-le-racolage-_NG_-2013-03-27-925810

http://www.france24.com/fr/20141213-sexe-prostitution-xxx-grande-guerre-bordel-militaire-poilus-soldat-putain-bmc-proxenete-syphilis

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Rédigé par Marylis Costevec

Publié dans #La Grande guerre

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