Publié le 27 Juillet 2018

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Le châle d’Odette

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Vous serez sans doute surpris que la mésaventure de la jeune Minahouette ait pu être relatée dans le Nouvelliste du Morbihan ce 27 juillet 1918.

Cette histoire qui n’offrait sans doute que peu d’intérêt à l’époque nous offre aujourd'hui une tranche de vie de nos ancêtres tout en nous renseignant  sur la condition des femmes de Locmiquélic au début du XXème siècle.

Sachez que la Locmiquélicaise (!)* dont il est question n’avait pas encore tout à fait 13 ans, ce qui explique sa détresse …

Mais lisez plutôt :

 

« Son panier vide sur sa tête tête embéguinée d’un mouchoir blanc, la jeune Odette Jarno, pêcheuse de palourdes à Locmiquélic, s’en revenait, avant-hier, de Lanester pour regagner le logis avant que sonnât midi, et de grosses larmes coulaient malgré elle, de ses yeux.

Comme elle se trouvait vers le milieu de la passerelle du Scorff*, elle se croisa avec une forte gaillarde qui s’en revenait du marché, l’air satisfaite, et arborant sur ses épaules un superbe châle de laine.

 

coll. privée -DR

 

À sa vue, Odette demande à la passante, si, par hasard, elle n’aurait pas trouvé un châle qu’elle avait perdu en cours de route.

Réponse négative, et Odette continue son chemin, sanglotant de plus belle, quand elle se ravise, et, revenant sur ses pas : « Au fait, affirme-t-elle en fixant la Lanestérienne dans le blanc des yeux, c’est mon châle lui-même que vous avez sur le dos ; rendez-le moi ! »

- Votre châle, ricane la commère, demandez plutôt à ma voisine Guégan si je ne l’ai pas récemment acheté dans sa boutique. »

 

 

La jeune Locmiquélicaise, pas convaincue, insiste et se croyant déjà triomphante, montre sur le châle une tache qui est manifestement de la vase de Lézenel où elle va chaque matin récolter ses bigorneaux et autres coquillages.

Mais, l’autre, fort empêchée de répondre, s’empressa de filer, tandis que la volée, pleurant encore d’un œil, mais riant déjà de l’autre parce qu’elle était certaine d’avoir sa prochaine revanche, s’empressait de regagner son bateau. »

 

L’article vous laisse sans doute sur votre faim tout comme nous ! Nous ne saurons pas comment l’adolescente compte récupérer son châle ni ce que sera sa revanche.

Mais nous en savons un peu plus sur la condition des Minahouets d’autrefois. Nous n’ignorions pas que la pêche aux coquillages sur les vasières de Nézenel était une source de revenus pour les familles modestes. Nous savons maintenant que les femmes, jeunes et moins jeunes, qui gagnaient ainsi "leur croûte" devaient aussi traverser la rade pour aller vendre leurs palourdes de porte à porte à Lorient et même jusqu’à Lanester.

* Aujourd'hui, on dit les Locmiquélicains et les Locmiquélicaines !

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Rédigé par Marylis Costevec

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Publié le 24 Juillet 2018

CPA, la plage de Port-Louis vers 1900 (coll. part.)

A l'heure où les touristes affluent Port-Louis, nous vous proposons de découvrir la vie port-louisienne en été avant 1890 sous un angle original grâce aux vers publiés par Philoména Georgeault-Jouan.

Elle vous rapporte les propos des gens du peuple sur  les touristes de la haute société en vous menant dans l'atelier du peintre ou au lavoir.

Elle vous présente le cuisinier du marquis qui ne saurait fréquenter le casino pour ne pas "se réunir aux gens de rien" !

Une galerie de portraits et un  florilège de médisances qui vous amuseront comme ils amusèrent la très sérieuse et  romantique jeune femme qui se laisse aller ici à une fantaisie un peu inhabituelle !

*Philomène était institutrice et poète ... Elle enseignait à Locmiquélic à la fin du XIXème siècle. Sa mère et son frère habitaient Port-Louis. 

           Aux Baigneurs de Port-Louis

 

Notre charmant pays se remplit chaque été

De mille visiteurs, amis de leur santé.

 

Et nos désertes rues, grâce à leur air salin,

Voient fouler leurs pavés par plus d’un citadin.

 

Normands, Méridionaux, Anglais et Parisiens

Arrivent à l’envi chez ces bons Port-Louisiens.

 

Ceux-ci, rusés Bretons, tout en gobant leurs sous,

Se réservent le droit de juger en-dessous.

 

Monsieur Un Tel est fier, Madame X… est coquette ;

Quant au comte Machin, mon Dieu, qu’il a l’air bête !

 

Vous connaissez aussi Mademoiselle Chose ;

Elle doit se farder pour avoir ce teint rose.

 

Jeanne a juré hier soir et en plein atelier

Que cette grande Anglaise a tout un râtelier.

 

Je m’explique à présent ce qui la rend mordante.

Après cela poser encor pour l’élégante.

 

Et ce beau précepteur (ce n’est plus un mystère,

On en parle au lavoir) a les deux yeux en verre.

 

Même on a prétendu qu’il boiterait bien fort

Si son bottier n’était un homme si retors.

 

D’autres disent tout bas – mais j’ai peine à les croire –

Qu’il serait affligé d’un palais en ivoire.

 

Ces pauvres instructeurs : il leur faut tant causer,

Je comprends qu’à la fin la bouche peut s’user.

 

Mais quand on est cossu l’on ne s’en soucie guère.

Pour rebâtir quelqu’un, l’on sait mainte manière.

 

Ainsi la marquise L… - Oh ! C’est trop fort du coup –

Figurez-vous un peu qu’elle est en caoutchouc !

 

Pas toute … mais au moins un bras et une jambe.

Qui s’en serait douté ? C’est qu’elle a l’air ingambe.

 

Eh bien ! son mari donc : s’il ne portait perruque

Serait comme un genou très poli de la nuque.

 

On ne l’aurait point su, ces gens sont si discrets.

C’est de leur cuisinier que je tiens ces secrets.

 

Il est bien ce garçon ; faut voir comme il babille.

Je crois – n’en soufflez mot – qu’il fait l’œil à ma fille.

 

Il vaut mieux que son maître et a le cœur plus tendre.

Mon homme est très flatté d’y entrevoir un gendre.

 

Il n’est point de ces fats qui ne sortent qu’en gants

Pourtant il est instruit s’il croit aux korigants.

 

C’est qu’il a ses raisons : un soir, l’année dernière,

N’en a –t-il pas vu cinq gémir sur une bière.

 

Vous pensez que cela dut lui faire un effet.

Ses cheveux ont blanchi pour attester le fait.

 

Quel luron ! S’il allait danser au casino,

Ah ! je crois qu’il faudrait de bons doigts au piano.

 

Mais il ne voudrait pas comme il le dit si bien,

Aller se réunir à tous ces gens de rien.

 

Si vous voulez le voir ne le cherchez pas là.

Baptiste (c’est son nom) est trop fin pour cela.

 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

 

Les cancans vont leur train en grossissant toujours,

Et nos baigneurs ravis quittent aux mauvais jours.

 

L’été prochain ils reviendront, s’il plaît au ciel,

Et nous leur referons un corps artificiel.

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Allez  ! Port-Louis a bien changé ! Les touristes aussi !
Que diraient aujourd'hui les commères ?

 

 

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Rédigé par Marylis Costevec

Publié dans #Personnages, #Jeux et Loisirs

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Publié le 13 Juillet 2018

 

Le Nouvelliste du Morbihan publiait régulièrement des "blagues" sous le titre "Le mot de la fin".

Jeux de mots ou sujets d'actualité étaient évoqués d'un ton léger ou grinçant. Pendant la grande guerre, c'est souvent les poilus qui étaient mis à contribution.

      

        

    Etat d'esprit :

Un capitaine passe en revue sa compagnie avant le départ pour le front.

Il a pour chaque soldat un mot de camaraderie ou d’encouragement.

Arrivé devant un bleuet de la classe 17, il lui demande :

- Eh bien mon ami, êtes-vous prêt à mourir pour votre patrie ?

- Sans doute, mon capitaine mais ce qui est encore plus certain, c’est que je suis prêt à faire mourir plusieurs ennemis pour la leur.

 

A propos d'obus  ...

Deux poilus d’humeur morose conversent dans la tranchée, après un bombardement.

- Non, mais ont-ils de la veine, ceux des usines, mon vieux, ils gagnent jusqu’à 20 fr. par jour pour tourner les obus.

- Oui, et nous cinq sous pour les recevoir.

        ... et de ballons

Gavroche admire au parc aérostatique de Chalais Mendon les énormes ballons dits « saucisses » qui se balancent dans l’air au bout d’un câble. Un poilu qu’il interroge sur l’usage auquel on destine ces ballons captifs, répond qu’on doit les lancer sur certains points de Paris en cas d’alerte.

- Ah ! Je comprends répond le gamin dont le père est charcutier, l’alerte maintenant est à deux fins, elle fait monter les saucisses dans le ciel et les andouilles à la cave.

 

Au restaurant :

Un permissionnaire entre dans un petit restaurant des environs de la gare du Nord. Il demande la carte au garçon qui l’apporte en boitant légèrement. Après avoir consulté le menu, le poilu demande :

- Dites-moi, garçon, vous avez des pieds de veau, n’est-ce pas ?

- Oh non m’sieur, c’est mes rhumatismes qui me font marcher comme ça.

 

      Et chez le major, un classique qui n'a pas pris une ride :

- Pourquoi boitez-vous ainsi ? demande un capitaine à une jeune recrue qui traîne la jambe péniblement.

- J’ai un ongle incarné dans la chair, mon capitaine.

- Mon ami, il faut dire simplement un ongle incarné. En ajoutant « dans la chair », cela constitue un pléonasme. Maintenant, allez trouver le major.

  Le poilu se présente le lendemain à la visite.

- Qu’avez-vous ? lui demande le docteur ?

- Un pléonasme, monsieur le major. Je vais enlever ma chaussette pour vous le montrer.

 

 

 

 

 

 

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Rédigé par Marylis Costevec

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Publié le 5 Juillet 2018

La fête

de l’indépendance américaine

à Lorient en 1918.

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 Le 5 juillet 1918, à Lorient, comme dans toute la France, on a célébré la fête de l’Indépendance américaine.

Dans sa rubrique intitulée « Propos d’un Lorientais », Leo Le Bourgo raconte :

« Au sommet de la Tour de la découverte, les pavillons étoilés et tricolores flottaient côte à côte dans le bassin et en rade les bateaux avaient hissé leurs grands pavois, au milieu des navires de tout tonnage … Les patrouilleurs américains étaient là, nombreux , solides, peints en gris … », spectacle dont ont pu bénéficier nos ancêtres minahouets. Quelques-uns ont peut-être traversé la rade pour participer à la fête en l'honneur des alliés qui, on en était sûrs, allaient mettre fin au conflit.

Des festivités organisées à cette occasion, notre chroniqueur retient surtout le concert donné par les alliés venus d’outre Atlantique sur la place Alsace Lorraine et qui s’est terminé par les deux hymnes nationaux : « La bannière étoilée » et « la Marseillaise ».

Un autre article du Nouvelliste paru le 6 juillet 1918 raconte plus en détails les différentes phases de la commémoration et l’ambiance dans la ville :

Des drapeaux américains associés au drapeau français, il y en avait partout, sur le clocher de l’église, à la préfecture maritime, à la mairie, au lycée … et sur toutes les maisons :

" Les stocks trop faibles de pavillons aux couleurs du nouveau monde, qui se trouvaient dans nos différents magasins avaient été rapidement épuisés, et cela dès la veille, de telle sorte que les personnes qui ne purent assez à temps s’y prendre pour en confectionner elles-mêmes, durent se rabattre sur les autres étendards alliés mais le cœur  y était et c’est l’essentiel."

Une cérémonie officielle eut lieu le matin au café continental, siège du Club de la Jeunesse Chrétienne d’Amérique (YMCA) :

« Officiers, soldats et marins avaient été réunis pour fêter en commun le glorieux anniversaire."

Le préfet maritime avait été invité à la cérémonie que le journaliste qualifie de « très simple et très impressionnante » :

"Ce fut d’abord une « élévation », sorte de discours à la fois patriotique et religieux que prononça dans le silence le plus complet le directeur de l’YMCA : puis « l’Hymne of the Republic», chanté par tous les Américains présents et suivi de la lecture de la « Déclaration de l’Indépendance »(…)

  Après un court intermède musical de violon et de piano, le commandant américain, s’adressant aux marins et aux soldats de l’Union qui l’entouraient, leur rappela le sens de la fête de l’Indépendance Day.  Il donna ensuite quelques détails sur la marche des préparatifs militaires aux Etats Unis, l’accélération de départs de soldats et de marins pour la France, la tenue de l’armée américaine sur le front de bataille (…)

(…)

… M. l’Amiral Aubry, parlant tour à tour en français et en anglais prononça une chaleureuse allocution, aux troupes américaines, faisant l’éloge de leur vaillante attitude tant dans les événements actuels que dans ceux du passé, et loua particulièrement leurs qualités d’honnêteté , de bonté, d’énergie, qui les mèneront avant longtemps désormais à la victoire commune.

(…) L’orchestre de la 153e brigade U.S. venu (...) de Meucon le matin même exécuta avec autant d’âme que de talent le « Star Spanglet Banner » puis la « Marseillaise » que toute l’assemblée frémissante, électrisée et debout reprit en chœur. » 

Nous vous invitons maintenant à écouter une version de Star Spanglet Banner en  français :

 

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Rédigé par Marylis Costevec

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