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Publié par Marylis Costevec

En 1917, à Lorient

un Noël comme les autres ?

 

S'il est difficile de trouver des documents sur l'ambiance à Locmiquélic le jour de Noël et ceux qui précédaient pendant la Grande Guerre, "le Nouvelliste du Morbihan" nous offre une description de celle qui régnait à Lorient.

Bien sûr, la guerre et le sort des poilus était dans tous les esprits mais on s'est manifestement efforcé de garder l'esprit de la fête jusque dans ses débordements !

La pythonisse consultée par Léo Le Bourgo avait annoncé la couleur : cette année, le  Père Noël avait des problèmes de trésorerie à cause des hausses de prix et beaucoup de Lorientais trouveraient leurs sabots vides :

 

"Propos d’un Lorientais

(Léo Le Bourgo)

Je suis allé trouver une pythonisse connaissant l’avenir aussi bien que feue Mme de Thèbes pour lui demander de me communiquer la liste des cadeaux que les Lorientais trouveront ce soir dans leur sabot de Noël. Voici ce qu’elle m’a raconté : il y aura de grandes déceptions au matin du 25 décembre dans votre bonne ville. Les fâcheux effets de la guerre se sont faits sentir jusqu’au paradis. En haut comme ici-bas tout a renchéri, tout est hors de prix. Certes le bonhomme Noël est riche il a dû d’abord penser à ceux qui sont au front et ils sont nombreux ; la part des gens de l’arrière sera largement diminuée par suite des restrictions nécessaires : d’ailleurs, l’exemple pour une fois est venu d’en bas. Depuis la mobilisation on n’a distribué en France ni mérites agricoles ni  palmes académiques. Les enfants ne seront pas oublié mais beaucoup de Lorientais adultes trouveront leurs sabots vides en s’éveillant le 25 décembre …"

 

 Cela n'a pas empêché les Lorientais et les gens des environs d'envahir les rues de Lorient et les allées des Nouvelles Galeries, le grand magasin de la rue des Fontaines, faisant le bonheur des pick-pockets et autres voleurs !  :

La ruie des Fontaines à Lorient au début du siècle. sur la droite de la photo, le grand magasin, les nouvelles galeries (face au tramway)
La rue des fontaines à Lorient (coll. privée)

"Un vol aux Nouvelles Galeries

Les vastes et splendides magasins des Nouvelles Galeries ont reçu pendant les fêtes de Noël la visite de très nombreux acheteurs, en quête de jouets pour les enfants. Il s’est malheureusement trouvé dans cette foule des pick pokets et, si des portemonnaie ont disparu, il y eut aussi de nombreux vols aux divers rayons ce qui a décidé la Direction à faire ouvrir une enquête par la police."

 

 

Malgré le chagrin, malgré l'absence, malgré les privations, on a eu a coeur de faire briller les yeux des enfants :

"Noël est une fête de famille. Hier, les réunions familiales furent certainement moins gaies qu’avant 1914 : la guerre n’a-t-elle pas atteint la plupart des foyers ? Là où la famille était complète, bien des membres manquaient, les uns au front, les autres au rude combat, d’autres glorieusement tombés pour le salut, l’honneur et la victoire inéluctable de la France …

Les petits cependant ont eu la visite du Père Noël. Leurs sabots ont été comme à l’ordinaire garnis de jouets et de friandises et les rires ont fusé !"

Nous apprenons aussi que les Chrétiens saluaient de manière toute particulière l'entrée des alliés à Jérusalem qui avait eu lieu le 9 décembre. Un Te Deum fut chanté dans toutes les églises et les chapelles, à Lorient, bien sûr mais aussi à Locmiquélic :

[Prise de Jérusalem] : [médaille] / [Pierre Roche]

"Cette grande fête célébrée avec solennité dans toute la chrétienté qui commémore en ce jour la Naissance du Christ avait emprunté cette année, un caractère spécial du fait de la prise toute récente de Jérusalem par les armées des alliés. Aussi s’est-elle terminée par un « Te Deum » chanté à l’issue des vêpres dans toutes les églises et chapelles."

La maréchaussée a eu fort  à faire !

Autrefois comme aujourd'hui, la fête ne va pas sans quelques débordements et la police veille :

"Lorient la nuit

Elles ont été nombreuses, les rixes qui se sont produites au cours de la nuit du réveillon sur tous les points de la ville. Les chants couvraient, il faut en convenir, les cris des belligérants mais à part quelques ivrognes et ivrognesses fourrés au violon, rien de grave n’a été signalé."

 

Plutôt que de se battre, la jeunesse se permettait aussi quelques facéties moins goûtées par les responsables et les ateliers municipaux  :

Lorient  vers 1900 : cours de la Bôve, théâtre et statue de Victor Massé.

"La statue de Victor Massé

De facétieux noctambules que l’on croit être des militaires ont (…)mouillé d’une épaisse couche de peinture violette le sommet de la statue de notre illustre compatriote, le musicien Victor Massé. "

 

En 1917, Plus encore qu' en 1914, 1915, 1916, on espère des jours meilleurs :

"À l’an prochain, aimons à le croire, la Noël de la Délivrance et de la Victoire, prélude d’une ère nouvelle, meilleure pour l’humanité !"

Mais cette fois, les voeux seront enfin exaucés !

 

* toutes les citations sont extraites du journal "Le Nouvelliste du Morbihan"
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