Des centaines de Minahouets sous la pluie au pardon de Sainte-Anne d'Auray...
C'est le 12 août 1907 que la paroisse de Locmiquélic fut officiellement créée par l'ordonnance de l'évêque de Vannes, Mgr Alcime Gouraud.
Et c'est le samedi 25 juillet 1908 qu'eut lieu le premier pèlerinage des Minahouets à Sainte-Anne, soit le premier jour des grandes fêtes solennelles du sanctuaire.
Nous ne doutons pas qu'il fut très suivi mais probablement moins que celui de 1909 qui tombait un dimanche et qui nous a été raconté par le journaliste de l'Arvor :
"Dès l’aube, les pèlerins arrivent, les uns à pied, après avoir passé la nuit en voyage ; les autres entassés par vingtaines dans des carrioles qui, aux cahots de la roue, menacent de se disjoindre ; d’autres, à bicyclettes, quelques-uns, fort rares, en automobile.
Il en vient par tous les trains, de tous les départements bretons, de la France entière et même, le croit-on de l’Afrique (…)
[Dans la basilique], déjà une assistance nombreuse se pressait autour des différents autels où l’on célébrait des messes sans interruption.
Pèlerinage de Locmiquélic et de Belz :
Sept heures et demie.
Au loin, sur la route de la gare, des chants se font entendre, d’abord d’une manière confuse, puis, les chanteurs approchant, nous distinguons parfaitement ce refrain :
Santez Anna, mam à garanté
Taulet arnomp ur sel a drué*
Ce sont les pèlerins de Locmiquélic qui arrivent au nombre de plusieurs centaines, sous la direction de M. l’abbé Gouëllo.
Tous, hommes, femmes, enfants entonnent avec enthousiasme des refrains pieux et, c’est un spectacle peu banal, de voir ces vieux marins des lèvres desquels il sort en temps ordinaire beaucoup plus de jurons que d’« ave Maria » célébrer les louanges de Sainte Anne.
(…)
À ce moment, une trouée se fait dans la foule pour permettre aux Tertiaires de Bretagne de se rendre en procession à la Scala Sancta. Elles sont bien trois mille, alignées sur 2 files, précédées de la croix en bois.
(…)
À 9 heures, la procession de Locmiquélic sort et suit un trajet ordinaire.
Une heure plus tard, c’est le tour de la paroisse de Belz.
Mais voici la pluie, une pluie fine et serrée qui en un clin d’œil couvre les routes et la place d’une boue noire. Une partie des pèlerins cherchent un asile dans les maisons voisines, dans la basilique, dans le cloître (…). Mais le plus grand nombre reste dehors. La foule est, en effet, considérable et sur quelque route qu’on jette les yeux, on remarque une file de voitures qui se touchent encadrée par une double haie de piétons. Ce sont de nouveaux pèlerins qui arrivent.
(…)
Une représentation en plein air
Vers midi, la pluie cesse de tomber (…) et le soleil se décide à répandre un peu de lumière sur Sainte-Anne. (…) les pèlerins sortent en toute hâte des hôtels, restaurants, auberges où ils se sont enfermés pendant une grande partie de la matinée. Dans les rues, l’animation augmente ; on se pousse, on se bouscule, on se presse devant les étalages des marchands de souvenirs et d’objets de piété.
Ceux qui n’ont pas encore gravi les marches de la Scala Sancta profitent de la clémence du ciel pour accomplir ce rite passé dans les mœurs des pèlerins.
Une heure sonne à l’horloge de la basilique. Les boutiques de marchands de chapelets, médailles, etc… se ferment comme par enchantement et leurs propriétaires y apposent une affiche disant qu’en raison des sacrifices faits par le Comité d’organisation de la séance dramatique bretonne, les étalages seront fermés jusqu’à la fin de la séance.
(…)
Vers une heure, les troupes d’acteurs de Bignan et de Pluvigner qui ont déjà arboré le pittoresque costume qu’ils auront sur la scène de dirigent vers la maison où vécut Nicolazic.
(…) les spectateurs au nombre de 3000 environ s’engouffrent dans le vaste enclos où doit avoir lieu la représentation.
(…)
Le théâtre se trouve installé en plein air, dans une prairie (…). C’est une vaste enceinte fermée par une palissade de planches de sapin. La scène est large et coquettement décorée de drapeaux, d’oriflammes et d’écussons.
(…) »
À 2 heures, l’abbé Corven explique que le spectacle qui va se dérouler est la représentation du mystère breton de Nicolazic qui met en scène l’histoire des apparitions de Sainte Anne et la fondation du pèlerinage, des faits qui se sont passés sur ce coin de terre 200 ans auparavant.
Le rideau se lève alors et la séance commence.
« Vers la fin du premier acte, la pluie se met à tomber. Quelques spectateurs se retirent mais la masse, empoignée par l’intérêt du drame demeure sur place et semble insensible aux injures du temps.
Après le troisième acte, la pluie interrompt complètement la séance au grand regret des assistants.
Les vêpres
À 5 heures, les vêpres qui devaient être célébrées à la Scala Sancta sont chantées à la basilique. Mgr Pichon, coadjutateur de Port-au Prince, prononce un magnifique sermon. Puis a lieu la procession.(…)
La procession au flambeau du dimanche soir
Le beau temps s’étant maintenu jusqu’au soir, la premières journée des fêtes s’est clôturée par une magnifique procession aux flambeaux (…).
Cinq mille personnes environ prirent part à cette grandiose manifestation.
Le cortège, parti de la basilique contourna par deux fois la Scala Sancta aux chants des cantiques bretons et français ; puis, avant de disposer la foule se massa sur le terre-plein de la Scala et entonna le Magnificat.
(…) »
La fête reprend le lundi 26 septembre, jour de la Ste Anne, mais il est fort probable que les pèlerins de Locmiquélic ont rejoint leurs pénates avec l'espoir que Sainte Anne exaucera leurs voeux.
ADM56, L'Arvor, 28 juillet 1909
images : CPA, musée de Bretagne
* Sainte Anne, mère d'amour,
Jette sur nous un regard de pitié.
Les temps changent ! La paroisse n'organise plus de pèlerinages et combien de Minahouets viennent encore en pèlerinage à Sainte-Anne à titre individuel ?
Après ce compte-rendu du pardon d'autrefois, nous vous invitons à visionner cet aperçu du pardon de 2019 (soit 110 années plus tard) où l'on parle encore breton.
Cliquer sur le lien ci-dessous :
Grand pardon de Sainte Anne d'Auray
Des milliers de pèlerins ont afflué ce 26 juillet à Sainte Anne d'Auray, pour déposer leurs intentions aux pieds de Madame Sainte Anne, mère de Marie. La mes...