Groix au XIXème siècle : les impressions de Philoména Georgeault-Jouan, poétesse à Locmiquélic...
Les textes de Philoména Georgeault-Jouan (1861 - 1937) qui enseigna à Locmiquélic de 1880 à 1919 sont une mine d'informations sur la vie locale.
Aujourd'hui, nous vous proposons de la suivre à Groix, à la fin du XIXème siècle.
LE TROU DE L’ENFER
Tin…tin… tin ! L’angélus, c’est midi. Voici l’heure
Où le soleil ardent commande le repos.
Les bergers en chantant ramènent leurs troupeaux,
Et les moissonneurs, las, rentrent à leur demeure.
Quel silence !... on dirait la vaste île déserte.
L’air devient plus pesant : on respire du feu.
Pourtant, au loin, partout, s’étend l’Océan bleu
Qui comme un jeune lion joue sur la roche verte.
Par un suprême effort terrassant la fatigue,
J’avance lentement ; je veux connaître l’île ;
J’y suis : je dois tout voir. Ces bateaux à la file
Me semblent des géants que le dieu Zéphyr brigue.
Mais d’où vient ce bruit sourd qui fait frémir la terre ?
Y aurait-il ici des tramways à vapeur ?
Ce long gémissement me glace de stupeur…
Tire-t-on du canon, ou est-ce le tonnerre ?...
Je marche ! Sans retard je veux savoir la cause
De ce rugissement de fauves indomptés.
Qu’ai-je à craindre la mort ? Tous nos jours sont comptés :
On n’avance point l’heure…
Mais silence … on cause.
Un jeune homme, pieds nus, à l’air moitié sauvage,
Au teint hâlé, portant ses longs cheveux épars,
Est seul les bras croisés sur le bord des remparts ;
Il mesure de l’œil la hauteur du rivage.
A vingt mètres du sol le flot furieux gronde.
La terre est ébranlée mais résiste à ce choc.
Puis, d’un nouvel élan, se ruant sur le roc,
De sa griffe perfide il change en neige l’onde.
Alors, l’écume aux flancs, le torrent avec rage
Revient… et sa colère est au nec plus ultra.
Il frappe le rempart ! L’idiot dit : « Nitra ! » (1)
Oh ! non, rien en effet ne franchit ce rivage.
Puis, ainsi qu’un serpent, au fond de la caverne
Le sauvage descend en s’accrochant aux mottes.
Quand je le vis assis près des profondes grottes,
- Quel est ce lieu, lui dis-je ? Amen ? … Toul en iverne (2).
Je n’ai jamais été plus étonnée, je crois.
Cet idiome breton me venant de si bas,
La paix au faîte ardu, la fureur sous mes pas :
- C’est le Trou de l’Enfer, la merveille de Groix.
-
Mot breton dont la signification est « rien »
-
Amen veut dire « cet endroit ». Toul en iverne, le trou de l’enfer.
Le Comité d'Histoire de Locmiquélic a réédité un des recueils des poèmes de Madame Philoména Georgeault-Jouan.
Il est à nouveau disponible.
N'hésitez pas à le commander (15 € + port ou à retirer à Locmiquélic).