à la chandeleur : la bénédiction des cierges, une pratique pas si ancienne...
A la chandeleur, on fait sauter les crêpes ! C'est l'occasion de franches rigolades car bien sûr, comme on ne croit plus guère que
A crêpe bien retournée
l'argent vient avec la santé
il y a toujours quelqu'un qui a envie de faire le pitre et c'est souvent à qui la lance le plus haut ou la retourne le plus grand nombre de fois...
C'est à peu près tout ce qui reste d'une fête autrefois riche de sens et célébrée partout.
Nous avons cherché la signification religieuse de cette fête, l'origine de son drôle de nom et les différents rites que l'on accomplissait autrefois et qui sont tombés en désuétude.
En effet, la dernière cérémonie fut célébrée en 1937 en la cathédrale de Vannes et sans doute dans toutes les paroisses du diocèse car les fidèles étaient de moins en moins nombreux à y assister
Dans "La Semaine Religieuse du Diocèse de Vannes" du 1er février 1941, Louis Mercier raconte ce qui se passait quelques années auparavant.
C'était, écrit-il, une des "petites fêtes" les mieux célébrées à la campagne au temps jadis, bien qu'elle ne fut pas chômée :
"La journée, on vaquait aux travaux, d'ailleurs peu urgents, de la saison ; mais le matin, on assistait à la messe, et l'on y portait les cierges à bénir.
On quittait la maison au petit jour après avoir fait un brin de toilette. Pas celle des grandes fêtes, ni même des dimanches, bien sûr. Il y avait une tenue pour les "petites fêtes" ; on y portait les vêtements fatigués mais pas encore assez usés pour être mis à tous les jours. Des hommes y venaient en blouses : les femmes en tabliers mais en tabliers frais lavés et qui gardaient encore les plis de l'armoire.
Nous voici au bourg. Les épiceries sont ouvertes et l'on entend tinter les clochettes de leurs portes. car c'est là que l'on va acheter les cierges à faire bénir. Ils sont longs, frêles et si blancs qu'on les dirait moulés dans la neige de l'hiver. Ce sont, bien entendu, les femmes et les enfants qui ont la charge de les présenter à la bénédiction.
L'église est coite et sombre. Comme il convient pour une petite fête, l'autel n'est que modestement illuminé. D'ailleurs, le jour commence à réveiller les teintes de vitraux. Les sabots des arrivants résonnent sur les dalles, et comme on est dans la saison des rhumes, des toux d'hommes, des toux de femmes, des toux d'enfants parcourent l'assistance.
Puis, avant la messe, c'est la bénédiction des cierges. L'instant exquis : un cierge, deux cierges s'allument, et d'autres et d'autres encore. Dans un baiser lumineux, les cierges, de proche en proche se communiquent la flamme bénite. Tous ces bâtons de cire, tout à l'heure inertes, empruntent au feu une âme palpitante et légère, une vie qui rayonne. Et la pénombre de l'église est maintenant criblée d'étoiles comme une belle nuit d'été."
La procession
On est un peu frustré car Louis Mercier ne décrit pas la procession qui se déroule à l'intérieur de l'église. Nous pouvons tout au plus deviner que les paroissiens déambulent en chantant des cantiques puisqu'il cite ces paroles d'une antienne entendue à cette occasion :
"Salut à vous, pleine de grâces, Vierge Mère de Dieu : de vous est né le Soleil de Justice qui illumine ceux qui sont dans les ténèbres."
Ces quelques mots nous éclairent sur la signification de ces cierges que l'on bénit à l'occasion d'une fête qui rappelle la purification de la Vierge (encore appelée la présentation au temple), ces chandelles qui ont donné leur nom à cette fête symbolisent la lumière qui doit éclairer le monde.
Si l'on en croit un article publié dans le courrier de Bretagne le 2 février 1878, ce n'est que depuis 1830 que la procession a lieu à l'intérieur des églises. Auparavant, c'est en public que "les fervents portaient des chandelles allumées contenues dans de grands cierges en fer-blanc peint".
Les cierges bénits
La procession achevée, les paroissiens participaient à la messe, une grand-messe solennelle et s'en retournaient chez eux en emportant le cierge qu'on allumerait en deux occasions bien particulières :
- Lorsque la mort s'approche de la maison et qu'un de ses habitants doit recevoir les derniers sacrements (extrême-onction)
- quand l'orage gronde :
La désaffection
L'éducation des masses aurait-elle eu raison de cette pratique ? Il est sûr qu'après la Grande Guerre, on a plus confiance dans les paratonnerres que dans les cierges de la chandeleur pour se garantir de la foudre.
C'est à partir de 1930 que le désintérêt s'est fait sentir de manière inquiétante, incitant le clergé à réduire progressivement la liturgie.
En 1931, les offices sont encore célébrés en totalité, le déroulé est quasiment identique à celui de 1870, même s'il a été quelque peu simplifié :
En janvier 1933, on lit dans l'Action Catholique du Morbihan :
"Au matin du 2 février, l'église a coutume de bénir des cierges que l'on porte ensuite en procession avant le chant de la grand-messe. Bien que le peuple chrétien prenne moins part qu'autrefois à cette cérémonie, nombre de familles tiennent encore à s'y faire représenter, afin d'avoir à la maison des chandelles bénites qu'on allumera à la maison lorsque des malades y recevront le Viatique."
Très vite, la cérémonie du soir n'a plus lieu et ensuite, si on bénit toujours les cierges, la procession est supprimée en 1935 et le clap de fin aura lieu en 1937.
sources
Semaine religieuse du diocèse de Vannes,
Journal de Ploërmel du 06/02/1910
courrier de Bretagne du 2 février 1978
Action Catholique du Morbihan, janvier 1933