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Publié par Marylis Costevec

En préparant notre prochaine intervention à propos de l'exploitation des coquillages dans la rade de Lorient, je me suis souvenue d'un article lu dans la presse ancienne il y a bien longtemps.

J'ai pensé qu'il ferait une bonne introduction à un des "chapîtres" abordés au cours de la balade qui nous mènera de Pen Mané à Kervern les 9 et 13 octobre prochain.

 

L'histoire se passe aux halles de Lorient en février 1931 :

"Comme je flânais, un tas magnifique de bigorneaux a harponné mon attention.

Je me suis agenouillé.

C’étaient des bigorneaux superbes. Leurs coquilles avaient les dimensions de celles à l’abri desquelles méditent les gros escargots de Bourgogne. Sans doute les mollusques craignaient-ils les courants d’air car nul d’entre eux ne montrait ses cornes de réglisse.

Pour être entendu, je dus m’approcher très près.

- Hé, les amis, vous ne vous souciez guère des jours gras !

Un bigorneau me répondit avec un accent étranger fort désagréable :

- Des jours gras… parlons-en… je n’ose, cher monsieur, vous montrer ma maigreur. Figurez-vous que je viens de faire un terrible voyage qui m’a obligé à vivre cruellement sur ma propre chair…

- La traversée de Pen-Mané vous a-t-elle paru si fatigante ?

- Je viens de beaucoup plus loin…

- D’Etel, monsieur le bigorneau ; ou peut-être d’Auray ?

- De plus loin encore…

- De Vannes ?

- Ah ! Si ce n’était que de Vannes, j’aurais encore le charme et la fraîcheur de Miss Europe.

- Arrivez-vous donc de Redon, de Concarneau, de Nantes… de Dunkerque… ?

-Monsieur, j’arrive de Hollande.

- De Hollande ? !

- Oui, monsieur, je ne plaisante pas, j’arrive de Hollande et pas par la mer, mais par la voie ferrée.

Le bigorneau entr’ouvrit son panneau de sécurité :

- Tenez, approchez-vous, monsieur le journaliste, flairez, je vous prie, mon odeur… Sentez-vous mon subtil parfum kilométrique ? Je joue à Lorient le bigorneau morbihannais et soyez sûr que les acheteuses se laissent prendre à mon travesti… Il n’y a pas que les tulipes et les fromages qui vous sont expédiés du pays des moulins…

 

Si cet aimable bigorneau avait eu la force de dérouler son pauvre corps engourdi par les souffrances et les privations, il aurait pu juger de mon air stupide.

J’avais peine à croire qu’il n’était pas pur Minaouët."

(…)

signé : LUT              

Le Nouvelliste du Morbihan du 26 février 1931   

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