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Publié par Marylis Costevec

Explorer l'histoire de Locmiquélic nous mène parfois dans des endroits inattendus et c'est aussi ce qui fait le sel de nos recherches.

Le déjeuner d'huîtres

En nous intéressant à l'histoire presqu'oubliée de l'exploitation de l'huître plate dans la rade de Lorient, nous nous trouvons face à un tableau commandé en 1735 à Jean-François de Troy par le roi Louis XV pour la première salle à manger des petits appartements de Versailles.

Jean-François de Troy, Le Déjeuner d’huîtres, huile sur toile, 1735, 180x126 cm, musée Condé, Chantilly, galerie de peinture.

On est loin des chaumières de Locmiquélic mais il est bon de penser que nos ancêtres dégustaient eux aussi ces huîtres fraîchement sorties de l'eau. 

Il est peu probable qu'ils aient dragué les huîtres consommées par le roi et ses invités mais qui sait ?... Un siècle plus tard, en 1828,  Louis Clerc écrit que "Les plus recherchées de France se trouvent sur les côtes de la Bretagne (...) d'où elles sont transportées à Paris à grand frais pendant l'automne et l'hiver."

En tout cas, on peut être sûr que le produit de leur pêche figurait sur les tables des bourgeois lorientais !

Un document précieux

Jean-François de Troy (1679-1752) est considéré comme un peintre d’histoire, c’est-à-dire qu’il traite de sujets historiques, mythologiques, moraux ou religieux, mais c’est aussi un peintre de genre, avec des scènes de la vie quotidienne et c'est cet aspect de sa réputation qui nous intéresse alors qu'il met en évidence la façon dont l'élite du XVIIIème siècle consommait les huîtres.

En observant les détails de l'œuvre, on voit un homme qui la gobe, un autre la saisit avec les doigts et un troisième se sert d'une fourchette, en argent bien sûr comme la vaisselle posée sur la table :

 

L'œil averti des historiens de l'Art remarque le pain, le beurre (dans le petit pot ?), le poivre ou le sel mais surtout les bouteilles de champagne (qui semble couler à flot) et la drôle de façon de rafraîchir les verres !

Les vertus réelles ou supposées de l'huître

En lisant les nombreuses analyses du tableau trouvées sur le net, on apprend qu'à l'époque on pensait encore comme du temps des Romains que les huîtres étaient aphrodisiaques, ce qui explique que ces messieurs en avalaient beaucoup !

"On conçoit que l 'huître doit encore jouir d'une vertu aphrodisiatique (sic) non équivoque on connaît l'heureuse fécondité des peuples ichtyophages et on attribuait à l'abus des huîtres le libertinage aussi incroyable que scandaleux auquel se livraient les anciens Romains (...). De nos jours même, beaucoup d'auteurs partagent l'opinion des anciens, et je citerai entr'autres, feu M. Alphonse Le Roi, qui disait que la population serait beaucoup plus nombreuse si les époux faisaient un usage fréquent des huîtres à leurs repas.

Une pareille propriété peut dépendre du phosphore que l'huître tient en état de combinaison; car cette seule substance suffit pour donner à cette assertion un degré de certitude assez grande (...)"


On est abasourdi quand on apprend que Louis XIV pouvait en engloutir 6 douzaines avant son repas ! Et pourtant, Louis Clerc prétend, en 1828, que " rien n'est plus commun que de voir des amateurs en manger vingt ou trente douzaines et n'en éprouver après qu'un meilleur appétit"

Cependant, l'auteur admet que "deux ou trois douzaines suffisent [aux] amateurs ordinaires" pour commencer un repas un peu gai". On est rassuré !

Bref, l'huître serait un aliment particulièrement digeste que l'on conseillait pour régler les embarras gastriques de tous ordres.

Les médecins du début du XIXème siècle les préconisaient aussi pour guérir le scorbut mais aussi les rhumes et même la tuberculose !

Un vrai trésor !
Les citations sont extraites de :
Clerc, Louis (17..?-18.. ; médecin) : Manuel de l'amateur d'huîtres, ou L'art de les pêcher, de les parquer... : suivi des qualités alimentaires et propriétés médicales de ce mollusque, ainsi que de l'adresse des personnes qui le vendent, Paris, 1828.
 
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