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Publié par Marylis Costevec

Le lancement du « Formidable»

 

Le cuirassé Formidable, le plus fort de tous les navires français sous tous les rapports, a été mis à l'eau jeudi [16 avril 1885], à quatre heures cinq minutes, heure de Paris. Le lancement a parfaitement réussi. Pendant l'opération, la musique à joué la Marseillaise et des cris de : « Vive, la République ! » se sont fait entendre. On évalue la foule des spectateurs à 30 000 personnes. Dans ce nombre, beaucoup d'étrangers. Succès complet pour les ingénieurs."

Phare de Bretagne (Le) du 19/04/1885

 

C'est un événement "historique" qui a fait l'objet de nombreux articles dans la presse locale et nationale, des articles plus ou moins longs, plus ou moins étoffés, plus ou moins techniques.
Nous choisissons de reproduire ici celui d'un journal vannetais ( Progrès du Morbihan (Le) du 18/04/1885) qui décrit le déroulé de l'opération d'une façon précise, comme si vous y étiez !
...
et nous terminerons par une dictée proposée dans le Manuel général de l'instruction primaire du 15 janv. 1898, p. 5/12 (niveau Certificat d'études primaires)
LE LANCEMENT DU FORMIDABLE

( Progrès du Morbihan (Le) du 18/04/1885)

 

Nous avons assisté jeudi à un magnifique spectacle et nous croyons être d'accord avec le millier de Vannetais qui par tous les trains ont débarqué à Lorient, pour déclarer que l'impression ressentie - nous pouvons même dire l'émotion - est du genre de celles qui ne s'oublient pas.

Lorient ne s'était cependant pas mis en fête. Les changements ministériels, l'absence de M. de Lesseps, le grand français, avaient, on peut le dire, empêché le développement de cette joie patriotique que nos villes maritimes nous ont donné fréquemment le plaisir de signaler quand il s'agissait de mettre à flot un navire d'État ou même un grand navire de commerce.

Le lancement du Formidable était considéré comme une opération purement maritime, et, malgré cela Lorient possédait jeudi une population étrangère, qui sans exagération égalait la sienne.

Animation en ville

Dès le matin les visiteurs encombraient les rues, les places et les restaurants. Sur les places, sur les quais, des baraques de banquistes, de jeux, de spectacles de toute sorte étaient installées et déjà remplies par les premiers arrivants.

Vers le port

À dix heures le cortège officiel se formait et, par la porte de l'Arsenal, se dirigeait vers le port où le Formidable présentait sa masse imposante, sa tourelle se dégageant en rouge par-dessus l'horizon.

Le Port maritime n'a été ouvert au public qu'à partir de deux heures.

Paul Thirriat : Le "Hoche" pendant sa construction

 

 

 

À ce moment une immense chaîne s'est déroulée sur les ponts qui séparent l'entrée de la grille de la Chapelle du chantier de construction, chantier immense qui renferme, outre le Formidable, plusieurs autres cuirassés en construction : Le Hoche, le premier destiné à prendre la mer, l’Archimède et le Fulton, dont on vient à peine de commencer la construction et le Brennus dont, nous a-t-on dit, les dimensions dépasseront celles du Formidable.

 

 

 

Le voilà !

 

Il fait un temps magnifique ; le soleil darde en plein sur le colosse que nous allons contempler. C'est un colosse en effet, puisqu'il mesure 104 mètres 40 de long sur 15 m. 60 de haut et que sa largeur, bord à bord, est de 21 m. 30. Nos lecteurs qui n'ont pu se déplacer veulent-ils une comparaison ? Nous pouvons la leur fournir. Qu'ils prennent la place des Lices à Vannes à partir du premier bec de gaz en face le poste, jusqu'à l'autre extrémité de la place, près de la maison La Folye. Voilà pour la longueur du Formidable. Quant à sa largeur et à sa hauteur, il est inutile de dire qu'il obstruerait cette même place des Lices et en couvrirait les plus hautes maisons.

 

Musée de Bretagne : dessin de Karl Fichot (1817-1903) - Vue du port et de l'Arsenal de Lorient (détail)

Les ouvriers aux premières loges

Les ouvriers de l'Arsenal et du Port chôment pendant les opérations du lancement, groupés devant les ateliers, parsemés dans les chantiers, étalés dans les escaliers qui bordent le flanc droit du bâtiment qui abrite le Hoche ou même grimpés sur les bureaux des surveillants, ils attendent avec impatience le résultat d'une œuvre à laquelle ils ont tous collaboré. Les fusilliers-marins font le service et gardent l'entrée des ateliers.

Du beau monde

Il est 3 heures 1/2. Les tambours battent au champ. La musique d'artillerie de marine joue la Marseillaise, plusieurs fois répétée. Le Préfet maritime débarque près de la tribune accompagné d'un nombreux état-major. À la tribune d'honneur ont déjà pris place M. Courtois, préfet du Morbihan, M. le général Paime, MM. les colonels Massalle et Lanes, M. Godron, ingénieur en chef de la marine, M. Rostaing, sous-préfet de Pontivy, MM. les Conseillers de préfecture du Morbihan, M. le Soufachi, ingénieur principal ; des officiers de toutes armes de l'armée de terre, parmi lesquels nous avons remarqué plusieurs officiers du 116e. Les officiers de la marine figuraient en grand nombre dans l'assistance.

La bénédiction

Le nouveau cuirassé doit être béni, c'est paraît-il de rigueur. Une petite chapelle a été dressée à quelques pas du navire. Un prêtre asperge le Formidable et un roulement de tambour nous annonce que le premier étai va tomber. Les roulements se succèdent et les étais tombent successivement.

Cette première opération s'opère sans entraves. Nous entendons un chant monotone, mais bien cadencé, suivi de coups de bélier appliqués par quatorze solides marins sur les coins qui doivent faire soulever l'arrière du mastodonte.

Sur une passerelle dressée à l'arrière du navire se sont placés M. le Préfet maritime et M, l'Ingénieur en chef Godron.

Suspense...

Le moment devient solennel et les assistants du côté du Port comme ceux de Caudan et de la Potée de Beurre, groupés en face le Port, attendant le moment décisif avec une vive anxiété. Bien plus vive devait être encore celle des ingénieurs et constructeurs qui assistaient au lancement.


 

Les coups de bélier se succèdent et nous les comptons... Un instant encore et M. le Préfet maritime, levant son chapeau, nous indique que tout va bien. En effet le Formidable glisse sur son lit de bois, l'enflammant et faisant craquer des cordages de la grosseur d'un homme.

Le grand moment

Il s'avance doucement, tranquillement, comme sûr de prendre possession absolue et définitive de son nouveau domaine. Il va, sans secousse, sans même avoir manifesté avec une trop répugnance (sic) sa répulsion de quitter la terre ferme. Son avant plonge dans le bassin sans occasionner un grand déplacement d'eau et les nombreuses barques qui l'avoisinent peuvent s'en approcher sans crainte d'être englouties dans le ressac.

Un cuirassé moderne

Le Formidable appartient désormais à notre marine de guerre. Il en sera un des beaux types, Magnifique déjà, que sera en effet le Formidable lorsqu'il sera muni de ces plaques de blindage que nous avons vues, qui pour les œuvres vives sont épaisses de 55 centimètres et pour le reste du blindage ne comportent pas moins de 45 centimètres ?

BNF gallica : canon du FORMIDABLE par A. Salles (1860-1929)

Que sera-t-il avec ses 2 canons de 32, mesurant 8 mètres de long, placés à l'avant et à l'arrière ? Que sera-t-il avec sa plate-forme garnie de 16 canons-revolver, plate forme qui domine la ligne de flottaison d'au moins 12 mètres et avec ses 12 pièces de 14 appuyées par 14 canons Hotchkhiss dont nous avons pu voir des spécimens.

 

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VIVE LA FRANCE !

Le Formidable est à l'eau. Les 400 ou 500 marins qui composent son futur équipage, et qui appuyés sur le bordage, ont levé leur béret lorsque le « lache-tout » a été prononcé, ont acclamé leurs chefs. L'émotion est grande à terre et nous voyons plus d'une larme glisser sur les joues d'un vieux marin, matelot ou douanier, heureux de saluer l'un des engins les plus énergiques qui portera dans le monde entier le pavillon de la France et fera respecter ses armes.

Signé E. B.

 

....et voici la dictée !

 

COCORICO !!!

 

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